«Cessons de mettre tout monde dans le même panier du Covid !»

Publié le 9 avril 2021 à 16:49

 

Une analyse de Sam Rainsy sur la pandémie de coronavirus

L’erreur a été de traiter tous les individus de la même façon, de les mettre tous "dans le même panier", c’est-à-dire de les soumettre tous aux mesures sanitaires d’ordre général prises à l’échelle nationale, notamment pour les confinements, déconfinements et reconfinements.

La population peut être divisée en quatre catégories selon le statut immunologique de chaque personne:

  1. Personne vulnérable car n’ayant pas encore rencontré le coronavirus et n’ayant pas encore été vaccinée.
  2. Personne en cours d’infection par le coronavirus (malade avec ou sans symptômes).
  3. Personne ayant été infectée dans le passé (avec ou sans symptômes) mais pouvant être considérée comme guérie (ancien malade immunisé, même à son insu).
  4. Personne vaccinée ou dans un processus de vaccination pouvant être considérée comme protégée du Covid-19 ou en passe de l’être.

La taille absolue et relative de chacune des quatre catégories ci-dessus est en évolution constante. Jusqu’à ce jour, les autorités publiques n’ont pas suffisamment cherché à moduler ou ajuster chacune de leurs mesures d’ordre général en fonction des caractéristiques et de l’importance relative des quatre catégories ci-dessus.

Statut immunologique

Pour venir à bout de la pandémie, une répartition de la population en fonction du statut immunologique de chacun s’imposera inéluctablement car on ne peut pas continuer à mettre tout le monde "dans le même panier" au prix de mesures lourdes, inopérantes et coûteuses sur les plans humain, social et économique.

Pourquoi a-t-on tardé si longtemps à répartir la population et à prendre des mesures spécifiques pour chacune des catégories sanitaires mentionnées ci-dessus?

Au tout début de la pandémie, il y a un peu plus d’un an, on pouvait comprendre les hésitations ou l’inertie des décideurs à cause des connaissances scientifiques encore très limitées qu’on avait alors de cette nouvelle maladie qu’est le Covid-19.

Passeport immunitaire

Ainsi, en avril 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a mis en garde contre la création d’un "passeport immunitaire" pour les anciens malades du Covid-19 parce qu’il n’y avait "pas de preuve" que les personnes qui s’étaient rétablies de cette maladie et avaient développé des anticorps, seraient à l’abri d’une seconde infection. En d’autres termes, on n’était pas sûr que les anciens malades étaient vraiment immunisés (1). L’OMS basait son jugement sur le fait que l’on ne disposait pas d’assez de recul pour être certain que les anticorps sécrétés par ceux qui avaient surmonté la maladie dureraient assez longtemps pour continuer à les protéger au-delà d’un laps de temps relativement court. En évoquant la possibilité d’une réinfection à tout moment chez les anciens malades du Covid-19, l’OMS brandissait le spectre d’une épidémie sans fin en l’absence d’un vaccin efficace.

Un an après la mise en garde de l’OMS, des observations scientifiques rigoureuses sont venues contredire son jugement initial (2). Ces observations analysées par des chercheurs qualifiés et portant sur des dizaines de millions de cas réels recensés à travers le monde, montrent qu’à ce jour l’immunité acquise naturellement après un contact infectieux avec le coronavirus est aussi réelle et dure au moins aussi longtemps que l’immunité engendrée par les meilleurs vaccins nouvellement mis au point (3).

Présence dans le sang

Dans tous les cas, l’immunité acquise soit spontanément, soit au moyen d’un vaccin, est plus durable que ce que l’on peut croire de prime abord car elle n’est pas seulement liée aux anticorps dont la présence dans le sang peut devenir difficilement détectable (immunité humorale) mais elle recouvre d’autres processus comme l’entrée en action de macrophages dotés de mémoire appelés "cellules tueuses" (immunité cellulaire).

Le progrès continu des connaissances depuis le début de la pandémie doit conduire à des inflexions des politiques de santé publique, notamment par la prise en compte des quatre catégories de la population classée en fonction du statut immunologique de chaque personne.

Dans une situation de plus en plus mouvante, chacune des quatre catégories de la population requiert des mesures spécifiques qui doivent être cohérentes entre elles.

- 1ère catégorie : Les personnes vulnérables non vaccinées : environ 46 millions de personnes au 6 avril 2021, soit 70% de la population française estimée à 66 milions.

Le poids relatif de cette 1ère catégorie est en train de diminuer très rapidement au profit de la 4ème catégorie des vaccinés mais aussi de la 3ème catégorie des anciens malades compte tenu des nouvelles contaminations (jusqu’à 60 000 par jour) qui, pour 97% des cas, se solderont par des guérisons. 

- 2ème catégorie : Les personnes malades ou infectées avec ou sans symptômes : 5 millions de personnes au 6 avril 2021, soit 8% de la population française.

Ce chiffre de 5 millions de personnes infectées est cohérent avec le taux de positivité des tests de 7,5% aux alentours du 6 avril 2021 (4).

Avec la troisième vague de l’épidémie, cette 2ème catégorie voit ses effectifs prendre momentanément de l’ampleur mais ils atteindront bientôt un pic grâce au confinement de la population et aux campagnes de vaccination. 

- 3ème catégorie : Les anciens malades: au moins 5 à 6 millions de personnes au 6 avril 2021, soit plus de 8% de la population française.

Cette 3èmecatégorie est plus difficile à cerner statistiquement pour des raisons particulières à la France (5) mais elle est bien réelle, spécifique et relativement importante en pourcentage de la population totale.

Une première estimation du nombre des anciens malades consiste à partir du nombre des "cas confirmés" depuis le début de la pandémie (4), puis à en retirer le nombre des décès et des hospitalisations en cours, ce qui donne 4,7 millions. Il faut ensuite majorer ce chiffre d’au moins 20% pour tenir compte des nombreux cas asymptomatiques ou paucisymptomatiques non enregistrés dans les statistiques officielles. 

En tout cas, le poids des anciens malades augmente continuellement avec la croissance exponentielle du nombre des contaminations (figurant dans la 2èmecatégorie représentée par les malades actuels), sachant que 97% de ces contaminations se termineront, au bout de quelques semaines, par des guérisons plus ou moins complètes et définitives. Les décès représentent 2% et les hospitalisations longues 1%.

 - 4ème catégorie : Les personnes vaccinées avec au moins une dose : 9,4 millions de personnes au 6 avril 2021, soit 14% de la population française (4).

Avec la poursuite et l’accélération des campagnes massives de vaccination cette catégorie augmente rapidement en nombre. Il sera bientôt inévitable de reconnaître un statut sanitaire particulier et de conférer un statut administratif spécial aux personnes vaccinées qui devront se voir libérées du carcan des restrictions administratives applicables aux personnes non encore vaccinées.

 Le cas très particulier des anciens malades

Les autorités ont tendance à ignorer les quelque 5 à 7 millions de Français qui sont guéris et immunisés, ce qui entraîne des conséquences regrettables pour la gestion de la pandémie sous ses aspects sanitaire, économique et social. 

Pourtant, il existe des moyens simples et efficaces pour identifier ces anciens malades comme les statistiques hospitalières, les tests sérologiques, ou une combinaison de tests virologiques et sérologiques. Dans des cas plus complexes nécessitant une confirmation de l’immunité acquise par un ancien malade, des investigations plus poussées peuvent être effectuées qui portent sur le volet cellulaire du système immunitaire (mise en évidence de l’état d’alerte ou de la capacité mémorielle des "cellules tueuses").

En tout cas, un fait objectif s’impose maintenant: les anciens malades du Covid-19 ont naturellement développé une immunité qui les protège contre une réinfection pendant au moins 12 mois selon les observations faites depuis le début de la pandémie. Cette durée de l’immunité est déjà plus longue que celle engendrée par les meilleurs vaccins testés jusqu’à ce jour.

En effet, sur plus de 130 millions de cas de Covid-19 recensés à travers le monde depuis le début de la pandémie, les observateurs de tous pays n’ont rapporté qu’un nombre minime de "réinfections". Ces cas extrêmement rares, dus peut-être à des erreurs de diagnostic (comme ce fut le cas en Corée du Sud en avril 2020) apparaissent comme des exceptions qui confirment la règle d’une immunité réelle et durable une fois la maladie surmontée. 

Les autorités françaises commencent timidement à tenir compte de la spécificité de cette catégorie de la population que forment les anciens malades ayant développé une immunité naturelle contre le Covid-19.

En décembre 2020, la Haute Autorité de Santé (HAS) a émis l’avis selon lequel "il n'y a pas lieu de vacciner systématiquement les personnes ayant déjà développé une forme symptomatique du Covid-19" (6). La HAS reconnaît ainsi la réalité de l’immunité acquise par les anciens malades qu’il serait, en toute logique, inutile de vacciner.

En février 2021, la même HAS range à nouveau les anciens malades du Covid-19 dans une catégorie de population à part quand elle ne préconise pour eux qu’une seule dose de vaccin contre deux pour les autres personnes à vacciner (7) (8). La HAS reconnaît ainsi que les anciens malades sont déjà immunisés et considère que la première dose de vaccin servira simplement de rappel pour leur système immunitaire déjà préparé à combattre le coronavirus, ce qui rend inutile l'injection d'une deuxième dose de vaccin.

Les autorités devraient aller plus loin dans ce raisonnement logique à la lumière des plus récentes connaissances scientifiques et tirer clairement toutes les conséquences de cette réalité, à savoir qu’une personne guérie et immunisée naturellement a cessé d’être contaminée et contaminante.

A plusieurs points de vue l’immunité naturelle acquise par les anciens malades paraît plus complète et plus rassurante que celle obtenue par la vaccination.

Avantages de l’immunité naturelle sur l’immunité acquise par le vaccin

- Efficacité protectrice à 100% (on a constaté partout dans le monde que la maladie ne survient plus, une fois la guérison prononcée) alors que le "taux d’efficacité" des vaccins actuels varie de 70 à 99%.

- Durée de protection constatée d’au moins 12 mois (selon les observations scientifiques réalisées depuis le début de la pandémie), soit une protection plus longue par rapport à l’immunité engendrée par les vaccins testés et administrés depuis seulement 6 mois.

- L’immunité naturelle ne comporte pas d’effets secondaires ni de risques imprévus comme pour les vaccins.

- Assurance de non-contagiosité après guérison effective (à l’image de toutes les autres maladies contagieuses) alors qu’un doute persiste sur une possible contagiosité des personnes vaccinées.

Il y a une certaine logique derrière les observations ci-dessus: Comme la fabrication et l’administration d’un vaccin ne sont qu’une ingénierie pour créer une réplique de l’immunité naturelle, on ne peut pas s’attendre à ce que la copie surpasse l’original au niveau du résultat final.

Création d’un "passeport vaccinal"

Pour les vaccinés dont la proportion dans la population augmente de plus en plus vite avec l’accélération des campagnes de vaccination, la pression sur les autorités ne peut que s’accroître pour reconnaître à ces personnes vaccinées un statut spécial matérialisé par un "passeport" ou "certificat vaccinal" qui leur permettra de se déplacer, de vaquer à leurs occupations habituelles et de voyager plus librement sans être soumis aux mêmes restrictions que pour le reste de la population.

La pression politique, économique et sociale pour émettre le "passeport" ou "certificat vaccinal" sera à son comble d’ici la fin de cette année quand au moins 30% des Français auront reçu les deux doses requises des vaccins utilisés actuellement et pourront se prévaloir d’une réelle immunité contre le Covid-19. 

La création d’un tel "passeport" ou "certificat vaccinal" ne conduira pas à une "ségrégation" moralement discutable car la frontière entre vaccinés et non-vaccinés n’a rien d’arbitraire ou de figé. Au contraire, on cherche à faire passer le plus vite possible tous les non-vaccinés du côté des vaccinés.

L’exemple d’Israël

Le concept du "passeport" ou "certificat vaccinal" envisagé pour les personnes vaccinées contre le Covid-19 devrait être étendu aux anciens malades sous la forme d’un "passeport" ou "certificat immunitaire" car un tel document qui serait valable pour les deux catégories de personnes permettrait d'attester d'une manière simple de l’immunité qu’elles ont en commun.

C’est en tout cas la solution qu’a retenue Israël depuis peu, avec la création d’un "Passeport Vert" permettant à son détenteur de retrouver une vie à peu près normale. Ce "Passeport Vert" est délivré aux personnes ayant reçu les deux doses requises de vaccin ainsi qu’aux anciens malades du Covid-19 (9).

Selon les besoins le "Passeport Vert" peut être remplacé soit par un "Certificat de Vaccination" (pour les personnes vaccinées), soit par un "Certificat de Guérison" (pour les anciens malades). Ces documents donnent droit aux mêmes possibilités de déplacement, de contact social et de voyage (10).

Cette politique intelligente de santé publique a permis à la population israélienne de retrouver plus vite une vie se rapprochant de la normale après une campagne de vaccination qui a battu tous les records de rapidité et d’efficacité.

 

Sam Rainsy

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