Les pays occidentaux font fausse route face à la Covid-19

Publié le 1 août 2020 à 16:36

 

Une tribune de Sam Rainsy

Comme observateur venant d'un pays du tiers-monde (je suis un ancien ministre des finances du Cambodge), je relève avec surprise deux failles dans les stratégies menées ou que s’apprêtent à mener les pays occidentaux pour lutter contre la pandémie de la COVID-19 et ses répercussions économiques.

Dans un monde normalement régi par la rationalité et le bon sens, ces deux failles dépassent mon entendement.

La première concerne les mesures pour remédier à la paralysie des transports aériens et à l’effondrement du tourisme international. La deuxième se rapporte aux commandes ou précommandes astronomiques en quantité et en coût d’hypothétiques vaccins passées par les gouvernements occidentaux pour protéger à brève échéance leurs populations contre la COVID-19.

I- Comment remédier à la paralysie des transports aériens et à l’effondrement du tourisme international?

Devant les faillites fracassantes en chaîne des grandes compagnies aériennes internationales et la perte de dizaines de millions d'emplois dans le secteur du tourisme, je suis surpris de ne voir que reproches et chamailleries entre les gouvernements concernés pour ce qui est de l'ouverture ou de la fermeture des frontières et de l'imposition ou de la non-imposition de mesures de quarantaine aux voyageurs venant de pays étrangers. Il y a certes la suspicion que ces voyageurs venant de l'étranger soient porteurs du coronavirus et présentent des risques de contagion mais les problèmes sanitaires prennent vite une tournure polémique et politique quand les gouvernements diffèrent dans leur appréciation de la situation sanitaire de tel ou tel pays ou quand ils exigent la "réciprocité" dans le traitement des voyageurs venant de pays partenaires.

En attendant de trouver une solution d'ensemble satisfaisante pour tous, les différents gouvernements bricolent des mesures fragmentaires chacun de leur côté, sans cohérence les unes avec les autres, menant parfois à des situations kafkaïennes et ne résolvant en rien les problèmes fondamentaux communs auxquels ils doivent faire face.

Pourtant, compte tenu des caractéristiques de cette nouvelle maladie qu'est la Covid-19, il existe un moyen simple et efficace pour éviter les risques de contagion liés aux voyages internationaux: l'adoption par tous les pays concernés d'un document sanitaire de voyage sous forme papier ou numérique que nous pourrons appeler COFTEC pour Covid-Free Temporary Certificate. Il s’agirait d’un certificat provisoire de non-contamination par la Covid-19 attestant qu'une personne est au moins provisoirement non-contaminée, donc non-contagieuse.

Ce document pourrait être valable soit 15 jours s'il est émis sur la base uniquement d’un test virologique permettant de certifier la non-infection par le coronavirus,  soit trois mois si le test virologique est suivi d'un test sérologique permettant de certifier, en plus, une immunité d’au moins quelques mois dans l'état actuel des connaissances. Que la validité du certificat soit de 15 jours ou de trois mois, c'est une durée suffisante pour permettre à la plupart des voyages internationaux prévus habituellement de se réaliser avec une réduction maximale du risque de contagion.

Le COFTEC devrait être présenté avant l’embarquement. Il permettrait ainsi de garantir la sécurité sanitaire du vol et d'éviter des quarantaines possibles dans les pays de destination, ce qui offre une sécurité d'esprit inestimable.

Une fois standardisé par une coordination internationale adéquate, le COFTEC permettrait aux avions de redécoller chargés de touristes voyageant en toute sécurité pour eux-mêmes, pour les autres passagers et pour les pays de destination.

Cette première proposition est détaillée dans l’article "We need standardised Covid-19 certificates to prevent airline bankruptcies and revive international tourism", paru dans The Brussels Times du 29 juillet 2020.

II- Comment rationaliser les commandes et l'utilisation de vaccins anti-COVID-19?

Dans une course folle au vaccin où la panique ou des considérations politiques et/ou financières semblent l'emporter sur des raisons de pure santé publique, plusieurs gouvernements, dont ceux des États-Unis et du Royaume Uni, viennent de signer des accords de plusieurs milliards de dollars avec des sociétés pharmaceutiques pour s'assurer l'obtention de doses de vaccins anti-Covid-19 en quantités astronomiques afin de pouvoir vacciner le plus vite possible l'ensemble de leurs populations.

Un contrat de 1,95 milliard de dollars vient d'être signé entre l'administration américaine et la société pharmaceutique Pfizer pour la fourniture d'"au moins 100 millions de doses de vaccin anti-Covid". La société Moderna qui vient de recevoir un milliard de dollars des autorités américaines, affirme être en mesure de fournir quelque "500 millions de doses par an, et potentiellement jusqu'à un milliard, à compter de 2021", tout en prévenant qu'elle "ne pourra pas approvisionner toute la planète". Ces accords montrent que les États-Unis comptent bien vacciner l'ensemble de leurs populations. 

Le Royaume Uni qui a conclu des accords avec quatre fabricants américains et européens est engagé sur près de 300 millions de doses. De quoi vacciner largement toute la population britannique (66 millions d'habitants), même en cas d'échec d'une partie des vaccins présélectionnés.

De telles quantités de vaccin sont-elles vraiment nécessaires pour vaincre la pandémie? Faut-il vraiment vacciner des populations entières, c’est-à-dire tout un chacun dans chaque pays pour éradiquer la maladie?

D'un point de vue politique, la meilleure approche pour un pays riche serait de faire vacciner toute sa population le plus vite possible quel que soit le coût financier de l'opération. Mais d'un point de vue de santé publique, cette approche relève de la gabegie et s'avère contreproductive.

L'approche de William Foege

L'expérience magistrale menée par le médecin épidémiologiste américain William Foege pour combattre la variole en Afrique de l'Ouest vers la fin des années 1960 prouve la futilité d’une campagne de vaccination systématique de populations entières – en supposant l'existence effective d'un vaccin. Le succès éclatant et historique de Foege dans la stratégie d'éradication de la variole a été obtenu par le repérage et l’isolement immédiat des malades et le suivi étroit, presque policier, des personnes ayant pu être contaminées, par cercles concentriques, par ces malades identifiés. Il ne fallait vacciner que ces personnes suspectes de contamination. Cette approche a requis en pratique la vaccination de 7 à 8% seulement de la population totale, bien moins que l'objectif initial de 80% fixé à l'origine mais impossible à tenir pour des raisons pratiques et financières. 

On a pu dès lors se rendre compte qu’une campagne de vaccination de masse visant une hypothétique "immunité collective" était vaine et illusoire et qu’il y avait une autre approche plus logique, plus rapide et moins coûteuse pour éradiquer une maladie. Rappelons que la variole tuait quelque deux millions de personnes par an avant son éradication à partir des années 1970.

Dans la lutte actuelle contre la pandémie de la COVID-19 l'approche de Foege conserve toute son actualité et sa pertinence pour toute campagne de vaccination à venir, d'autant que nous disposons maintenant d'outils de repérage, traçage et suivi mille fois plus performants qu'il y a cinquante ans.

Cette deuxième proposition consistant à reconsidérer l'approche officielle des États est détaillée dans l’article "Learning From Smallpox Eradication in the COVID-19 Era", paru dans The Geopolitics du 28 juillet 2020.

 

Sam Rainsy

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